Un tribunal turc interdit une organisation de jeunesse LGBTI
Un tribunal en Turquie a ordonné la fermeture de l’organisation de jeunesse LGBTI Genç LGBTİ Plus Derneği. Selon la juridiction, l’organisation aurait diffusé des images susceptibles d’encourager des jeunes à devenir lesbiennes, gays, bisexuels ou trans, et qui seraient contraires aux bonnes mœurs et à la Constitution turque. ILGA Europe se dit préoccupée par cette fermeture et y voit une escalade de la répression à laquelle sont confrontées les organisations LGBTI en Turquie.
Les cinq illustrations, réalisées par des artistes LGBTI lors d’activités Pride en ligne, avaient été partagées par l’organisation de jeunesse sur ses réseaux sociaux. Lors d’un audit approfondi mené auprès de plusieurs organisations LGBTI, ces images ont été retrouvées sur les canaux de Genç LGBTİ.
ILGA Europe s’interroge sur la décision du tribunal et tire en même temps la sonnette d’alarme face à l’escalade manifeste des tactiques répressives en cours. L’organisation constate qu’au cours des dernières années, la Turquie a connu une dégradation continue du respect de la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique. Les personnes et organisations LGBTI sont touchées de manière disproportionnée. On observe notamment des interdictions répétées des événements Pride, des arrestations massives d’activistes et de journalistes LGBTI, le ciblage de l’expression artistique et journalistique, ainsi que des mesures réglementaires et administratives exposant les personnes LGBTI à des risques accrus. Par ailleurs, les organisations LGBTI font face à des audits étendus de la part des autorités.
Ces audits, officiellement présentés comme un contrôle de routine, vont en pratique bien au delà des exigences habituelles de responsabilité imposées aux organisations de la société civile. Une documentation excessive est exigée, des formes d’expression et de visibilité légales sont examinées, et les organisations sont placées sous surveillance permanente. Ce traitement inégal crée un climat dans lequel les organisations LGBTI sont considérées comme suspectes par défaut, ce qui va à l’encontre du principe d’égalité devant la loi.
« La fermeture de Genç LGBTI ne peut dès lors être considérée comme une décision judiciaire isolée », indique ILGA Europe. « Elle constitue une escalade claire au sein d’un schéma répressif déjà existant. La combinaison d’audits discriminatoires, d’interprétations larges des dispositions relatives à l’obscénité et de pressions administratives montre comment les lois existantes sont utilisées pour produire des effets comparables à ceux de législations dites anti propagande, même sans l’adoption de nouvelles lois. Cette approche envoie un message glaçant à toutes les organisations LGBTI en Turquie. Le respect des règles existantes n’offre aucune protection et des activités auparavant légales peuvent être criminalisées a posteriori. Si cela n’est pas contesté, le démantèlement des organisations de la société civile par des moyens administratifs et judiciaires risque de se normaliser, réduisant encore l’espace civique et affaiblissant les garanties démocratiques. »
ILGA Europe appelle le gouvernement turc à mettre immédiatement fin aux audits discriminatoires visant les organisations LGBTI, à cesser d’utiliser les lois sur la morale et l’obscénité pour réprimer l’expression et l’association LGBTI, à garantir des procédures d’appel équitables et indépendantes dans l’affaire Genç LGBTI et à assurer un traitement égal et non discriminatoire de toutes les organisations de la société civile. Dans le même temps, ILGA Europe appelle également les institutions européennes, les partenaires internationaux, les organisations de la société civile et les défenseurs des droits humains à dénoncer explicitement l’utilisation discriminatoire des audits dans le dialogue avec la Turquie, à considérer la fermeture de Genç LGBTI comme un problème structurel lié à l’état de droit et à la liberté d’association, et à veiller à ce que les relations entre l’Union européenne et la Turquie comportent des conditions claires en matière de droits humains protégeant la société civile contre des pratiques administratives discriminatoires.
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